Kharchi Razika, Maître de Recherche au CDER: « Le liège, meilleur isolant thermique, mais reste mal exploité ! »

Kharchi Razika, Maître de Recherche classe A au Centre de  Développement des Energies Renouvelables (CDER),

            Interview réalisée par Sara.S

« Le liège, meilleur isolant thermique, mais reste mal exploité ! »

 

Le Chantier DZ : Pouvez-vous définir le procédé d’isolation thermique et quelles sont les conditions de son installation dans le bâtiment ?

 Dr. Kharchi Razika : Pour définir efficacement ce procédé, je dirais que l’isolation thermique consiste à intégrer un matériau isolant dans les parois d’une construction afin de diminuer les pertes de chaleur par les parois qui constituent l’enveloppe du bâtiment.  Les bâtiments (et notamment les habitations mal isolées dites « passoires thermiques ») sont la source d’un important gaspillage énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre. C’est pour cela qu’avant de parler d’efficacité énergétique, il faut d’abords parler du bâti. Et même si l’isolation thermique n’est pas une énergie renouvelable en soi, elle permet néanmoins de faire une grande économie d’énergie. Ainsi, on commence par intégrer un système d’isolation pratique avant d’installer de nouveaux matériaux d’énergie renouvelable, accompagnés évidement d’appoint pour stocker le surplus d’énergie car les énergies propres ne fonctionnent pas en continue.

Quels sont ces normes d’isolations ? Et qu’est ce qui les définit ?

Il s’agit de normes d’isolation régies par la réglementation thermique et sont appliquées dans tous les pays du monde. Ceci impose des standards d’isolation aux habitations qui seront à l’avenir équipées d’énergies renouvelables. Par ailleurs, les caractéristiques du bâtiment doivent aussi être prises en compte. Les architectes ont pour habitude de dire qu’on construit avec le climat. En Algérie, on a constaté que les anciennes bâtisses (types de la Casbah) répondaient déjà à une certaine logique écologique et bioclimatique. Les constructeurs de l’époque savaient déjà installer des systèmes de ventilation naturelle (plafond en voute, bon positionnement des orifices d’évacuation de l’air) dans les bâtis afin de créer une circulation d’air et ainsi économiser l’énergie. Cela garantissait des performances fiables dans la durée ainsi qu’une qualité constante d’énergie en termes de production.

Ces normes sont aussi une façon d’inciter les propriétaires à construire d’une manière éco-responsable…

Le but étant d’imposer un standard d’isolation afin d’obtenir une isolation thermique de qualité. Les normes et réglementations thermiques régissant l’isolation n’ont cessé d’évoluer en vue de répondre aux enjeux des constructions écologiques. Je pense que la modernité n’est pas forcément une bonne chose ou alors elle est mal exploitée dans certains domaines. Aujourd’hui encore, en Algérie, on construit principalement avec du béton qui est un matériau dont la priorité est de stocker le froid ou la chaleur. Après un déphasage, le béton restitue ce qu’il a stocké en journée que ce soit du froid en hiver ou de la chaleur en été et le restitue ainsi la nuit tombée. Du coup l’habitation sera obligée de consommer beaucoup plus d’énergie pour se rafraichir ou pour se chauffer. C’est pour cela qu’avant d’installer n’importe quelle forme d’énergie renouvelable, il est primordial d’avoir une bonne isolation et éviter ainsi des déperditions inutiles d’énergies.

 

Quels types d’isolants on utilise le plus en Algérie ?

D’abord il faut savoir qu’il y a deux sortes d’isolants, naturel et artificiel. En Algérie, on utilise beaucoup le polystyrène qui est un isolant synthétique car son prix est accessible. Il se présente sous forme de plaques préalablement fabriquées qu’on installe directement dans le bâti. Seulement avec le temps et l’humidité, on a constaté que son installation se détériore, ce qui entraine ensuite des déperditions d’énergies.

Quels sont les autres types d’isolant en matière de construction ?

Nous avons les isolants naturels, comme le liège. Selon le Président directeur général du Groupe GGR (groupe génie rural) à Blida, l’Algérie a d’énormes potentialités et richesses dans ce domaine mais qui reste mal exploitée. La démarche engagée par ce Groupe en vue d’une exploitation quotidienne  de cette ressource naturelle est noble et se décline à travers le soutien des entreprises relevant du Groupe, au même titre que des opérateurs privés du domaine, ceci d’autant plus, a-t-il assuré, que la demande sur le liège et ses dérivés est en constante hausse à l’échelle mondiale.  Il y a aussi la SARL Isoliège A Constantine, Bejaia Liege à Bejaia et Taleza Liege.  Il y a aussi les laines minérales, laine de verre et laine de roche, qui possèdent d’excellentes propriétés thermiques et acoustiques, ce qui  leur donnent une place de choix dans l’isolation des bâtiments d’habitation et des bâtiments non résidentiels (tertiaires, commerciaux, industriels). Elles sont fabriquées à partir de produits naturels et se présentent généralement sous la forme d’un matelas de fibres enchevêtrées emprisonnant d’air immobile.

Les recherches et études du CDER ont-elles abouti à des réalisations sur le terrain ?

Le CDER en consortium avec le Centre National d’Etudes et de Recherches Intégrées du Bâtiment (CNERIB) a réalisé une maison de type rural à haute efficacité énergétique. Dans le cadre des projets pilotes Med-Enec « Efficience Energétique dans le secteur de la construction en région méditerranéenne ». Les chercheurs du CDER collaborent dans l’expertise et la mise en œuvre du Programme ECO-BAT (proposé par l’Agence Nationale pour la promotion et la rationalisation de l’utilisation de l’énergie) portant sur la réalisation de 600 logements à haute performance énergétique. Ces logements intégreront les principes de confort thermique et d’économie d’énergie dans la conception architecturale, les choix des matériaux de construction ainsi que dans les détails de mise en œuvre... ».  Aussi, l’application des normes de réglementation thermique algérienne dans les  nouvelles constructions au niveau du siège du CDER  intégreront des systèmes solaires pour le chauffage des locaux.  Il y a l’élaboration d’un logiciel d’application de la Réglementation Thermique Algérienne RETA.  Les chercheurs du CDER travaillent aussi en collaboration  avec de nombreux organismes pour l’élaboration des DTR ainsi que sur la réalisation d’un Guide pour une construction Eco-énergétique en Algérie.  On fait aussi le transfert d’expérience et la sensibilisation a travers des conférences que donnent des enseignants-chercheurs, toute en assurant un encadrement d’étudiants pour les projets de fin d’études en Efficacité Energétique et conception bioclimatique, dans différentes universités et Ecole d’Architecture ( Blida, EPAU, Tizi ouzou…).

La transition énergétique est une urgence. Plusieurs pays investissent dans les énergies propres et ont complètement changé leur mode de consommation. Où en est l’Algérie aujourd’hui de cette ère du  renouvelable ?

Le gouvernement algérien a lancé plusieurs programmes concernant l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Des campagnes de sensibilisation sont effectuées par l’APRUE à travers les medias. Des mini centrale solaires sont réalisées à travers le pays, et je pense qu’on progresse dans le domaine, c’est un travail colossal et tous les secteurs devraient participer a cette transition énergétique, de toute façon, nous n’avons plus le choix, avec l’épuisement de nos réserves pétrolières. Mais je pense qu’on y arrivera avec les bonnes volontés de tous.

                                                                                                                      S.S

Bio Express

 

  1. Elle est aussi Responsable de l’équipe efficacité énergétique appliquée au bâtiment de la Division solaire thermique et géothermie. Elle possède un doctorat es science en Physique Energétique et Matériaux Faculté des Sciences, Département de Physique, Unité de Recherche Matériaux et Energies Renouvelables, Université de Tlemcen (2013). Elle a également décroché une Habilitation Universitaire en Physique, de l’institut de Physique, faculté des sciences, Université Saad Dahleb Blida (2018).

 

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